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16 février 2009

Pan Hai, apôtre de la sexualité en Chine

Le monde du 12 janvier 2009
Bruno Philip

Pan Hai, 59 ans, profite de sa condition de jeune retraité pour faire ce dont il a toujours eu envie : devenir sexologue. Exercer en Chine une telle activité, donner des conseils à ses concitoyens afin de les aider à atteindre le plaisir, dénoncer la frustration dont est victime la gente féminine en tenant un blog qui a déjà été visité 500 000 fois, voilà qui ne manque pas d'exciter la curiosité, compte tenu de la réalité chinoise en la matière : question sexe, l'empire du Milieu est encore à la marge. Même en dépit de l'impressionnante évolution des comportements sexuels depuis la fin de l'ère maoïste.
A lire son blog, les théories de Pan Hai tournent autour d'une idée simple : il faut soutenir le principe de l'infidélité conjugale au nom de la défense du mariage. Les Chinois ne cessent de tromper leurs femmes, prennent des versions modernes de concubines ; leurs épouses sont frustrées, et devraient donc en faire autant, assure le sexologue. La recette consiste à faire l'amour dans la journée, quand l'autre est au travail, et à rentrer tranquille au foyer, le soir. Pas question de dire la vérité au conjoint trompé, bien sûr. Mais la paix des ménages se gagne dans les plaisirs interdits des lits de l'après-midi.
Même conseil pour les hommes mais ce sont les femmes qu'il faut défendre, martèle Pan Hai. Il faut les aider à gagner leur droit à la jouissance. Et ne restons pas, messieurs, de grâce !, obsédés par la pénétration, prévient Pan Hai, qui promet : "Avec deux doigts et une langue, vous rendrez les dames heureuses."
Pour mieux cerner le personnage, nous nous sommes rendus à Zhengzhou, chef-lieu de la province du Henan, où notre homme est venu rendre visite à ses vieux parents dans la perspective du Nouvel An chinois. A l'ordinaire, Pan Hai habite à Zhu Hai, près de Macao. C'est là que, durant des années, il a exercé l'austère profession de journaliste. A Zhengzhou, à une heure de vol de Pékin, dans une pizzeria d'un hôtel du centre-ville et devant une bouteille de chianti, ce charmant monsieur en veste de cuir nous a donc raconté son histoire et développé ses thèses.
Son intérêt pour les choses du sexe, - ou plutôt sur l'impact des tabous sexuels sur les comportements - remonte au temps de la révolution culturelle : Pan Hai a fait partie de cette classe d'âge qui, mûre pour l'université, s'est retrouvée à la campagne durant des années. Il fut ce qu'il est depuis convenu d'appeler un "jeune instruit", expression désignant des étudiants appelés à l'époque à se frotter aux dures réalités du monde rural. "J'ai découvert la sexualité chez les paysans, raconte Hai. Pour moi et mes camarades, il était surprenant de voir que les gens de la campagne étaient beaucoup plus libres. On nous avait dit, vulgate maoïste oblige, que les paysans étaient les vrais révolutionnaires. Pas du tout ! Je me souviens que toute l'équipe de construction d'un aqueduc avait batifolé avec les deux cantinières... Nous étions un peu interloqués..."
Devenu journaliste, Pan Hai va s'intéresser bien plus tard, dans les années 1980, aux questions de la prolifération des maladies vénériennes au Henan - région qui sera à la fin des années 1990 touchée par le sida en raison d'un scandale lié à une affaire de sang contaminé. "Un reportage m'a aidé à parachever mon éducation sexuelle : j'avais interrogé pour mon journal une jeune étudiante de l'université de Zhengzhou, accusée de "dépravation sexuelle" pour avoir eu une histoire parallèle avec le président de l'association des étudiants et un ouvrier de la chaufferie. A travers son histoire, j'ai découvert que la morale sexuelle prêchée par les autorités était en contradiction avec le besoin de la recherche du plaisir."
En 2002, une consultation de sexologie en forme de chronique qu'il tenait chaque semaine à Zhuhai a fini par être interdite par le département de la propagande. Pan Hai avait été trop loin. "J'ai réalisé cette fois-là que la propagande s'efforce toujours de tromper les gens. Il faut dire la vérité ! Il faut en finir avec l'hypocrisie et oeuvrer pour que l'on cesse de dire une chose et d'en faire une autre : les fonctionnaires qui prêchent l'ordre sexuel orthodoxe sont ceux qui trompent leurs femmes dans les bars de nuit et vont chanter au karaoké avec des prostituées !"
Son succès ne se dément pas. Il y a bien les grincheux et les choqués qui lui renvoient des mails d'insultes, mais il y en a beaucoup qui le félicitent pour ses thèses audacieuses. Selon lui, en Chine, beaucoup de gens continuent de choisir leurs conjoints en fonction de critères sociaux et pas en tenant compte de leurs sentiments ou de leurs désirs. "Pour les femmes, dit-il, la seule solution réside dans l'infidélité conjugale. Et je dis cela au nom de la solidité du mariage, qui est le garant de la stabilité sociale."
Conservateur, au fond, Pan Hai, qui ne se préoccupe pas de psychologie, encore moins de psychanalyse ? "Je pense que la monogamie n'est qu'une étape dans l'Histoire", avance-t-il. Une question brûle les lèvres quand on l'écoute : "Avez-vous appliqué dans votre couple vos théories ?" Il dit : "Oui, évidemment !" On ne lui a pas demandé de détails.

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